Dans deux arrêts, la Cour de Cassation vient, à nouveau, assouplir le droit de la preuve en droit du travail.

Dans ces affaires, deux salariées infirmières avaient été licenciées pour avoir consommé de l’alcool et participé à des séances photo en maillot de bain sur le lieu et aux heures de travail.

Pour prouver les faits, l’employeur a notamment communiqué des messages issus du réseau social messenger que leur avait transmis une autre salariée.

La Cour de Cassation considère contrairement à la Cour d’Appel que ces messages relèvent de la sphère privée et non professionnelle.

Elle ne justifie pas sa position.

Est-ce en raison du fait que les échanges ont eu lieu sur un groupe privé ou en raison de l’objet à savoir des photographie en maillot de bain?.

Elle juge néanmoins les messages recevables car elle considère qu’ils sont indispensables pour l’exercice du droit à la preuve de l’employeur.

Cass. soc. 4-10-2023 nos 21-25.452 F-D et 22-18.217 F-D

Est-ce qu’un salarié qui commet des infractions routières peut être licencié pour ce seul motif?

La réponse est non et ce même s’il utilise un véhicule de l’entreprise.

En effet, la Cour de Cassation vient à nouveau de le réaffirmer.

Elle juge de manière constante qu’un fait tiré de la vie personnelle ne peut justifier un licenciement disciplinaire sauf:

  • si le fait se rattache à sa vie professionnelle
  • en cas de manquement aux obligations professionnelles

Le seul fait que le véhicule soit un véhicule appartenant à la société est insuffisant pour la Cour.

Elle a ainsi constaté que le salarié avait commis les infractions en dehors de son temps de travail, que le véhicule n’avait pas été endommagé et que le salarié était mécanicien et donc qu’il n’y avait pas de manquement à ses obligations de mécanicien. (Cass. soc. 4-10-2023 n° 21-25.421 F-B, Sté Colas Rail)

La Cour de cassation poursuit sa démarche de protection de la liberté d’expression.

Dans un arrêt du 11 octobre 2023, elle rappelle que le caractère illicite du motif du licenciement prononcé même en partie en raison par un salarié de sa liberté d’expression rend à lui seul le licenciement nul.

Dans cette affaire, il apparaissait pourtant que le salarié remettait en cause de manière polémique les décisions de la société avec un manque de respect. Malgré cela, elle censure la Cour d’appel qui a refusé de juger le licenciement nul. Elle lui reproche de ne pas avoir caractérisé en quoi les propos tenus par la salariée comportaient des termes injurieux, diffamatoires ou excessifs. (Cass. soc. 11-10-2023 no 22-15.138 F-D).

Rappelons que la nullité du licenciement permet de rendre inapplicable le barème MACRON.

La Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts le 13 septembre 2023 opérant un revirement de jurisprudence.

La Cour considère dorénavant que le salarié en arrêt maladie continue d’acquérir des congés que la maladie soit d’origine professionnelle ou non.

Par cet arrêt, la Cour se met en conformité avec le droit européen.

Certains auteurs considèrent que les salariés pourraient être fondés à demander une régularisation de leur situation depuis 2009!

Ces arrêts ne sont pas sans incidence pour les entreprises.

Le gouvernement est en train d’étudier la question pour tempérer éventuellement les conséquences de ces arrêts sous la pression des syndicats patronaux.

A ce jour nous n’avons pas encore d’information.

A partir du 31 mars 2022, la définition du harcèlement sexuel du Code du travail sera alignée sur celle du Code pénal.

En matière pénale, l’article 222-33 du Code pénal prévoit une définition élargie du harcèlement sexuel :

  • Les propos ou comportements à connotation sexiste imposés à une personne peuvent caractériser une infraction de harcèlement sexuel ;
  • Ces propos ou comportements peuvent également caractériser l’infraction lorsqu’ils sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.

Trois ans plus tard, l’article 1 de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 vient modifier l’article L. 1153-1 du Code du travail pour le mettre en conformité avec la définition pénale.

En outre, les propos ou comportements à connotation sexiste n’auront plus à être « imposés » à la personne, cette dernière devant seulement les avoir « subis »

En conséquence, si le juge pénal ne retient pas l’infraction de harcèlement sexuel à défaut d’avoir pu caractériser son élément intentionnel, le juge prud’homal pourra quand même reconnaître qu’un salarié en a été victime.

Le nouvel article L.11453-1 du Code du travail disposera désormais:

« Aucun salarié ne doit subir des faits :

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

Le harcèlement sexuel est également constitué :

a) Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;

b) Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. »

La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat est reconduite par l’article 4 de la loi du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021. Les entreprises qui le souhaitent peuvent verser à leurs salariés une prime exonérée d’impôts et de cotisations sociales, dans les conditions suivantes :

  • la prime doit être versée entre le 1er juin 2021 et le 31 mars 2022
  • elle est plafonnée à 1000 euros, ou 2000 euros en cas de signature d’un accord d’intéressement, ou pour les travailleurs de la deuxième ligne si des mesures de revalorisation sont engagées, ainsi que dans les entreprises de moins de 50 salariés
  • les exonérations sont réservées aux salaires allant jusqu’à 3 SMIC

Le salarié qui accepte des cadeaux d’un montant important d’un fournisseur, à deux reprises et en totale discrétion, en méconnaissance des règles déontologiques en vigueur dans l’entreprise, manque à son obligation de loyauté vis-à-vis de l’employeur et commet une faute grave.

Un récent arrêt de la Cour d’Appel d’Angers est l’occasion de rappeler l’importance pour les entreprises de définir les règles internes afin d’encadrer cette pratique.

En effet, bien que courante, cette pratique peut comporter des risques, tant pour celui qui offre le cadeau que pour celui qui le reçoit. En effet, l’avantage consenti peut, dans certains cas, conduire à un redressement Urssaf et fiscal, voire constituer un délit de corruption ou un abus de bien social.

En l’espèce, un assistant d’achat s’était vu proposer deux tablettes numériques d’une valeur de 798 euros de la part d’un fournisseur.

En application du « code de conduite professionnelle » de la société, le salarié ne pouvait accepter que des cadeaux d’affaires « de valeur raisonnable » et devait interroger son responsable hiérarchique en cas de doute.

Le salarié a néanmoins accepté les cadeaux du fournisseur et essayé de le cacher à sa hiérarchie en demandant à ce que ces cadeaux lui soient livrés à son domicile. Les faits ont été découverts de façon fortuite par le contrôleur financier de la société.

Ne pouvant tolérer de tels manquements, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable en vue d’une éventuelle sanction disciplinaire. Il a alors appris que ce n’était pas la première fois que le salarié avait commandé et reçu à son domicile un cadeau (en l’occurrence, une tablette numérique d’une valeur de 159 euros) du même fournisseur sans en informer sa hiérarchie. Ces manquements graves, répétés et délibérés ont conduit l’employeur à le licencier pour faute grave.

Pour la cour d’appel, qui confirme le jugement de première instance, le licenciement pour faute grave est parfaitement justifié car les graves manquements du salarié à son obligation de loyauté sont caractérisés et ont causé un préjudice à l’entreprise.

Cour d’Appel d’ANGERS 29 mai 2020 n°18/00395 Sté Horwet Ciral c/ M

Jusqu’à présent, lorsqu’un salarié avait bénéficié d’un congé parental à temps partiel, il convenait d’appliquer les dispositions du Code du travail et de prendre en compte au moins en partie les périodes accomplies en temps partiel, ce qui venait réduire l’indemnité que le salarié aurait perçu s’il avait poursuivi son activité à temps plein. La […]

C’est un arrêt rendu par par la Chambre sociale de la Cour de Cassation pendant le confinement, le 18 mars 2020, qui fait beaucoup parler de lui.

Et pour cause.

Pour mémoire, l’article L. 3171-4 du Code du travail fixe un régime de preuve partagée entre l’employeur et le salarié s’agissant des heures de travail effectuées. Et les articles L. 3171-2 et L. 3171-3 prévoient les obligations de l’employeur relatives au décompte du temps de travail.

Depuis un célèbre arrêt du 25 février 2004 (pourvoi n°01-45.441), la Cour de Cassation juge que si la preuve des heures de travail réalisées n’incombe spécialement à aucune des parties, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié mais celui-ci doit fournir au préalable des éléments de nature à étayer sa demande.

Et pour cela, le salarié doit produire des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés, pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. (Cass. Soc. 24 novembre 2010 n°09-40.928).

Qu’entend la Haute Cour comme “éléments suffisamment précis”?

            -des relevés de temps quotidiens (Soc. 19 juin 2013 n°11.27-709)

            -des décomptes d’heures (Soc. 3 juillet 2013 n°12-17.594)

            -des fiches de saisie informatique enregistrées sur l’intranet de l’employeur contenant le décompte journalier des heures travaillées (Soc. 24 janvier 2018 n°16-23.743).

Prenant en compte un arrêt du 14 mai 2019 de la Cour de Justice de l’Union Européenne, la Cour de Cassation vient donc de décider que désormais le salarié n’avait plus à “étayer” sa demande de rappel d’heures mais doit rapporter “des éléments suffisamment précis à l’appui de celle-ci.”

Selon la note explicative de l’arrêt, sur le site de la Cour de Cassation : les juges du fond « dès lors que le salarié a produit des éléments factuels revêtant un minimum de précision, se livrent à une pesée des éléments de preuve produits par l’une et l’autre des parties, ce qui est en définitive la finalité du régime de preuve partagée. »

Dès lors, le juge doit obligatoirement étudier les preuves qu’apporte l’employeur notamment au regard de son obligation de contrôle du temps de travail. 

Cela mettra fin à la pratique de certaines Cours d’appel qui se contentaient de juger que le salarié ne réussissait pas à étayer suffisamment sa demande (avec toutes les difficultés de comprehension du terme “étayer”), sans étudier ce que lui opposait l’employeur, faisant finalement peser la charge de la prevue des heures supplémentaires exclusivement sur l’employeur.

La Cour précise au passage que, sur la base des éléments produits de part et d’autre, le juge se forme sa propre conviction et peut, s’il retient l’existence d’heures supplémentaires, déterminer le montant de la créance salariale sans avoir à fournir le détail de son calcul.

Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation n°373 du 18 mars 2020 , n°18-10.919,