PREUVE DES HEURES SUPPLEMENTAIRES: le salarié n’a plus à “étayer” sa demande de rappel d’heures mais doit rapporter “des éléments suffisamment précis à l’appui de celle-ci.”

C’est un arrêt rendu par par la Chambre sociale de la Cour de Cassation pendant le confinement, le 18 mars 2020, qui fait beaucoup parler de lui.

Et pour cause.

Pour mémoire, l’article L. 3171-4 du Code du travail fixe un régime de preuve partagée entre l’employeur et le salarié s’agissant des heures de travail effectuées. Et les articles L. 3171-2 et L. 3171-3 prévoient les obligations de l’employeur relatives au décompte du temps de travail.

Depuis un célèbre arrêt du 25 février 2004 (pourvoi n°01-45.441), la Cour de Cassation juge que si la preuve des heures de travail réalisées n’incombe spécialement à aucune des parties, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié mais celui-ci doit fournir au préalable des éléments de nature à étayer sa demande.

Et pour cela, le salarié doit produire des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés, pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. (Cass. Soc. 24 novembre 2010 n°09-40.928).

Qu’entend la Haute Cour comme “éléments suffisamment précis”?

            -des relevés de temps quotidiens (Soc. 19 juin 2013 n°11.27-709)

            -des décomptes d’heures (Soc. 3 juillet 2013 n°12-17.594)

            -des fiches de saisie informatique enregistrées sur l’intranet de l’employeur contenant le décompte journalier des heures travaillées (Soc. 24 janvier 2018 n°16-23.743).

Prenant en compte un arrêt du 14 mai 2019 de la Cour de Justice de l’Union Européenne, la Cour de Cassation vient donc de décider que désormais le salarié n’avait plus à “étayer” sa demande de rappel d’heures mais doit rapporter “des éléments suffisamment précis à l’appui de celle-ci.”

Selon la note explicative de l’arrêt, sur le site de la Cour de Cassation : les juges du fond « dès lors que le salarié a produit des éléments factuels revêtant un minimum de précision, se livrent à une pesée des éléments de preuve produits par l’une et l’autre des parties, ce qui est en définitive la finalité du régime de preuve partagée. »

Dès lors, le juge doit obligatoirement étudier les preuves qu’apporte l’employeur notamment au regard de son obligation de contrôle du temps de travail. 

Cela mettra fin à la pratique de certaines Cours d’appel qui se contentaient de juger que le salarié ne réussissait pas à étayer suffisamment sa demande (avec toutes les difficultés de comprehension du terme “étayer”), sans étudier ce que lui opposait l’employeur, faisant finalement peser la charge de la prevue des heures supplémentaires exclusivement sur l’employeur.

La Cour précise au passage que, sur la base des éléments produits de part et d’autre, le juge se forme sa propre conviction et peut, s’il retient l’existence d’heures supplémentaires, déterminer le montant de la créance salariale sans avoir à fournir le détail de son calcul.

Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation n°373 du 18 mars 2020 , n°18-10.919,

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